jeudi 14 août 2008

The Dark Knight, de Christopher Nolan



La loi du jour, le droit de l'ombre ++++

C'est dans des cas comme The Dark Night que les typologies diverses sur les genres cinématographiques s'effondrent. The Dark Night n'est en effet pas classable. C'est un block buster, un film brillant de part le degré de réflexion auquel il invite le spectateur, un fable civilisationnelle et un œuvre catharsique de premier ordre.
Tel Fight Club, The Dark Night est un état des lieux abrupt de l'Etat de la conscience occidentale, et il est fort à parier que le film deviendra aussi culte. Comme Fight Club, le film repousse deux fronts, des limites esthétiques d'abord avec des images à couper le souffle, où le jour n'est jamais que l'inquiétant début de la nuit, ou Chicago est oppressante. Des limites rythmiques ensuite, avec un scénario d'une précision extraordinaire, qui gère une tension permanente, une volonté que tous soient dans toutes les situations (avec des écrans qui informent en permanence l'ensemble de protagonistes). Bref Nolan concentre le lieu, l'espace et le temps pour 2 h 27.

The Dark Night c'est aussi la fin du super héros, et du film de super héros. C'est le retour à la tragédie, ou le personnage du chevalier, et celui du fou prennent tout leur sens. L'interprétation de ce film est incroyable, parce que tous les acteurs vivent leurs personnages avec charisme justesse et emphase. Heath Ledger, le mal absurde. Ni malfaiteur, ni terroriste. Clown abject, brillant, qui rejette l'ensemble du modèle. Il n'en a pas après l'argent de la mafia de Gottham, ni après le pouvoir, il est un agent du chaos. Il veut être le miroir de la bassesse humaine, et renvoyer la cité dans les ténèbres.
De l'autre côté on se débat, car du côté du monde civilisé règne une autre forme d'anarchie. Celle des valeurs et du sens. Un hors la loi, au dessus des lois, Batman, supplée à la justice des hommes impuissante. Un jeune procureur veut y mettre bon ordre, Harvey Dent (Aaron Eckart, génial).
Bruce Wayne tel Hanibal, voit en Harvey Dent la possibilité de mettre fin aux activités de Batman, mais le Joker les renvoie dos à dos, avec le Commissaire Gordon, (Gary Oldman, génial aussi).
Ce qui se joue ici, c'est la grande question du début de millénaire, résumée dans le diner Wayne/ Dent. Se faire plus mauvais que le Joker c'est perdre. Et pourtant la démocratie est parfois impuissante à trouver des solutions morales (voir épisode du bateau).
A la Manière de Rawls, Nolan mène le débat Justice et Démocratie, nous plonge dans l'absolue nécessite de se défendre et nous oblige à nous interroger sur les moyens de le faire vu que les choses vont de mal en pis. Le prix de notre sécurité, pense-t-on d'abord, est le sacrifice d'une partie de nos principes et de nos libertés à un type déguisé en chauve souris au bout du rouleau. Car Christian Bale est un héros sombre et las. Mais les choses sont bien plus compliquées que cela. Nolan pose la question de la nécessite des idoles, des mythes et de l'incarnation de la croyance collective.
La probité et l'honnêteté se meurent faute d'incarnation, c'est pour cela Batman et Gordon tente de sauver Dent à tout prix. La représentation de la probité est l'enjeu majeur pour l'Equilibre qui sous-tend le monde occidental qui a cru, un temps, pouvoir se passer d'enchanter son paradigme. Et qui voit la notion même de civilisation menacée.

Je crois que les deux principales forces du film, qui en font une tragédie réelle, c'est l'universalité des questions posées par cette mascarade, définitivement catharsique, et c'est le refus de Nolan de verser dans ce que le XXème siècle avait battit autour du concept d'héroïsme. La deuxième c'est le souffle donné à cette tragédie moderne, par ses acteurs, ses images, ses mouvements improbables de caméras, dans l'intimité de chacun, avec des gros plans saccadés, comme des sommations, la poésie noire du joker, balançant son visage au vent par la fenêtre d'une voiture de police. un lyrisme cinématographique assumé, dans la scène de l'enterrement. Un enchainement de moments où les choses ne sont jamais ce qu'on croit ou ce que l'on attend.

Un mélande de poésie, de tragédie, spectacle perturbant et splendide bref c'est du cinéma du XXIe siècle.




2 commentaires:

Anonyme a dit…

Superbe clitique
j'y vais demain, non, j'y cours

RIPLEY a dit…

Merci.