mercredi 21 mai 2008

Shine a light, de Martin Scorcese

Ô temps, suspends ton vol !...+++

Un concert privé des Rolling Stones filmé par Scorcese ça peut faire rêver, et c’est le cas.

Le résultat est magnifique, Scorcese fait des plans d’une beauté grandiose quand il le peut, des travellings incroyables, il court après la musique et capture les Stones dans toute leur grâce : pétillants et vieillissants, poètes de la country ou rocks star sur pile, riches à foison d’un demi siècle de musique et de passion pour la scène et pour le rock.

Rien n’est superflu, sûrement pas les rares flashbacks sur des interviews de 1964 à nos jours, ou l’on interroge les Stones sans cesse sur leur longévité. Ce qui ressort de ce concert, c’est un beau message sur le divertissement, car Scorcese saisit la fougue, pour ne pas dire le feu, le plaisir des compères à jouer ensemble, bref le goût du spectacle pour le spectacle. Scorcese réussi à retranscrire la culture de la performance à un instant unique pour elle même, et dans cet instant unique de plaisir, il y a un peu d’éternité.

Sexe, mensonges et Hollywood, de Peter Biskind


Une fois n'est pas coutume, voici un livre.
Sexe, mensonges & Hollywood ne se passe pas à Los Angeles, mais souvent à New York ou fut créée la société MIRAMAX, et à Sundance où l'on suit le festival du même nom. Cela se passe aussi dans des festivals, dans des avions, sur des tournages. Et c'est trépidant pendant 800 pages.
Cela raconte en parallèle l'évolution du Festival de Sundance, emmené par R. Redford dans les années 1990. Et la construction de Miramax par les frères Weinstein, distributeurs indépendants au début. Cela raconte la formidable évolution du cinéma indépendant face aux studios, l'hybridation des genres, les transformations du marché du film.
Il serait criminel d'en raconter plus. Je dirai simplement que c'est passionnant, ça se lit comme on regarde un film sur la mafia, avec fascination, impatience et jubilation.
Et on le referme en rêvant de rencontrer un jour Harvey "Scisorhand" Weinstein.
Ce qui y est incroyable c'est la cohabitation dans de mêmes cercles d'êtres très complexes fous de cinéma ou pas, le truchement des intérêts financiers, les histoires individuelles délirantes, le défilé des célébrités, et les revers de la nature humaine.
Décidément, il faudra lire les autres ouvrages de Peter Biskind !

mercredi 14 mai 2008

Dupontel, Dujardin et Du yaourt, par moi.

Faut il toujours que le publicitaire soit peint comme quelqu’un qui ne peut être efficace que s’il est « un charognard, un mercenaire » comme le dit Antoine/ Dupontel ? N’y a-t-il que des clients obtus et enchainés par des pubards obséquieux ?
Plus grave : les français se nourriraient-ils exclusivement de yaourts ?

C’est en tout cas que ce dit le film de Jean Becker, Deux jours à tuer. Becker qui oublie qu’il a commencé dans la pub, qui a nourrit et laissé s’exprimer un grand nombre d’aspirants réalisateurs en mal de loyer et de sujets. Le pub a aussi donné de grand réalisateurs, que ceux qui n’en sont pas convaincus voient Irina Palm de Sam Gabarsky, Eternal sunshine of a Spotless mind de Gondry. Je ne dirai pas que la pub est un art mais elle l’est parfois. Je ne dirai pas que tous les annonceurs sont des esprits éclairés ouverts à la création, ils ont cependant parfois permis de populariser le travail de plasticiens et d’artistes qui seraient restés confidentiels sinon.

Il n’empêche que la pub n’est pas que le bras armé du capitalisme, et qu’à ce titre le pubard n’est pas que le rejeton de l’ignominieuse société de consommation. Le sans-vergogne que le cinéma français se plait à peindre.

La publicité est une prise sur la société, elle s’en nourrit, la régurgite. Bref, elle n’est ni meilleure ni pire que nous puisqu’elle est nous, parfois merveilleuse, à d’autres moment d’une bêtise innommable.

Kounen et Becker sont deux démagogues qui tirent sur l’ambulance d’une profession qui s’est depuis la Loi Sapin réglementée, auto régulée, moralisée bon gré mal gré aidée par le durcissement du marché et la crise. Je continue de trouver cela étrange que les raconteurs d’histoires s’en prennent à d’autres faiseurs d’histoires, des histoires de marques, de produits, d’entreprises et d’hommes, mais des histoires quand même.

Décidément, nous français sommes bourrés de contradictions. Le travail de Beigbeder, dans 99 F me semble plus complexe que cela. Il n’impute pas à la pub toutes les tarres de son heros/alter-ego. Il est plus proche d’Austen Burroughs, dans Déboires qui met en scènes un créatif alcoolique mais conscient de ses errements personnels, et de son talent. Beigbeder sait rendre un hommage non dénué de tendresse à ses maîtres qu’il dépeint via quelques signatures (ou « slogans ») de génie : Viagra, arrêtez le bridge/ Ricard, Respectons l’eau. Et ma préférée : Belle de nuit de Nina Ricci, la Nuit tombe, les garçons aussi.

La publicité a en tout cas, à cause des deux apres décennies qu'elle a traversé, appris l'exigence et la rigueur. Peut on en dire autant du cinéma français ?


Deux jours à tuer, de Jean Becker

Où 1h 25 à perdre - -

Deux jours à tuer est un mauvais téléfilm. Albert Dupontel y campe un publicitaire avec une jolie femme et deux enfants charmants qui plaque tout, travail, femme, vie sociale, foyer, pour une fausse raison. La vraie raison est sous entendue de manière pachydermique dans le 5ème ou 6ème scène du film.

Le reste c’est un type qui joue mal la comédie en insultant femme et amis, en leur déballant d’horribles « fausses » 4 vérités de Bourgois nantis et cons. C’est un film sans intérêt, plutôt mal interprété (la scène du diner nous ferait regretter Jacques Ballutin). Les acteurs ne sont pas aidés par l’inconsistance des dialogues et d’un scenario cousu de fil fluorescent pour les mal voyants dans la salle.

Bref on s’ennuie, ce qui est le comble pour un film qui tente de dire qu’il faut profiter de la vie du mieux qu’on peut.

La liste est longue des adaptations réussies. Je crois même qu’un bon scénario et un bon réalisateur peuvent puiser dans un ouvrage un peu limité de quoi faire un chef d’œuvre (Je suis une légende de Matherson par exemple).

Force est néanmoins de constater qu’il y eu le terrible 99 F, le soporifique La Boîte noire, le correct Une vielle maîtresse.

Pour ceux qui pensent qu’il est dur d’adapter des auteurs reconnus comme Beigbeder, Benaquista ou Barbey d’Aurevilly, il existe aussi des mauvaises adaptations de mauvais bouquins : Un long dimanche de Fiancailles de Japrisot, L’empire des loups de Grangé.

En France c’est compliqué de s’en prendre à un auteur célèbre, et pourtant c’est un sport national, du Hussard sur le toi à Ne touchez pas à la Hache de Rivette.

Je nous soupçonne parfois, nous français, de nous dire que Balzac fait le bouleau, et que la force de ces grandes histoires suffit. Les scénaristes français auraient définitivement pu employer cette heure vingt cinq à autre chose.

samedi 10 mai 2008

Bienvenue chez les Cht'is, de Dany Boon


L'alcool, ça crée des liens (proverbe thaïlandais) --

Il fallait être obtu pour ne pas aller voir un film plébiscité par les français, même qu’il y en a qui n’étaient pas allé au cinéma depuis la Grande Vadrouille qui sont retournés au cinéma (ça a du leur faire un choc l’augmentation du prix de la place).

Bienvenue chez les Ch’tis est une galerie de personnages médiocres et un plaidoyer pour la médiocrité comme norme, sous couvert de bons sentiments.

Infamie qui fait que les gens du Sud sont des bouffeurs de bouillabaisse pleins de préjugés, corrompus et tire-au-flanc. Infamie des bons sentiments aussi (sans doute ce qui est le plus agaçant) où l’on apprend que les gens du nord sont comme les préjugés le laissaient augurer : alcooliques, limités intellectuellement (le choix d'un deschiens dans un rôle de deschiens), qu’ils ont pour occupation : manger, boire et aller au foot. Mais comme ils ont un bon fond et qu’ils sont plus accueillants que ne le veut la légende, on leur pardonne.

Je pourrais lister des paragraphes de choses déplaisantes dans ce film. D’abord ce n’est pas drôle, ensuite c’est mal joué (mention à Zoé Felix et à sa diction qui fait passer le Miel et les Abeilles pour une générale à la Comédie Française). Et puis c’est bizarrement filmé. Les visages souvent cadrés en contre-plongée en gros plan, ou de trois quart, ça rend les gens laids et asymétriques là ou on est censé toucher la beauté populaire. C'est plus la cour des Miracles que la peinture flamande...

Il y a aussi des choses choquantes en plus d’être déplaisantes. Là encore quelques exemples seulement. Le postier a le droit d'être bourré au travail car il a des problèmes de cœurs, le pauvre. Kad Mérad et consorts de la poste, entre corruption, dessous de table et bêtise crasse. Dany Boon-Casimodo, emblème de la France simplette et fière d’elle, s’en donne à cœur joie.
Bref ce n’est pas un bon film divertissant, et c’est un éloge malsain d’une France d’en bas paresseuse, recroquevillée sur son nombril régional, crispée à crever et successible à l’excès dès qu’on touche à son chez soi régional (dans le nord de carte postale, rien ne nous sera épargné, même pas les chars à voile).

Horriblement déprimant.

mercredi 7 mai 2008

L'Arroseur Arrosé

Voici la pub Dove "On Slaught", encore un déballage sur la beauté intérieure et les méchants médias et publicitaires...plébiscitée par beaucoups de gens (ceux qui ont des enfants notamment)...

http://fr.youtube.com/watch?v=Ei6JvK0W60I

Voici le remake par Greenpeace qui tape très fort " Dove On slaught[ter]"

http://fr.youtube.com/watch?v=odI7pQFyjso

Deux commentaires :
Y a t il un concours de donneurs de leçon ? Je crois que Greenpeace par la qualité du support, le saut créatif de la "parodie" se donne ici les moyens de tenir ce discours là.

Ensuite, on rappellera que quand on fait le donneur de leçon, on a intérêt à être clean.
Pour Dove c'est loupé.

jeudi 1 mai 2008

Iron Man, de John Favreau

Si vis pacem, para bellum. +++

Si l’Amérique est à la tête du monde, et du cinéma, c’est grâce, à cause et en vertu d’Iron Man.

Les américains se remettent en cause en permanence, font une analyse de ce qui est attendu et de ce qui a manqué à certains Marvell (analyse que je ne ferai pas car j’ai trop envie de parler du film en lui-même). Le résultat est qu’Iron Man est un film formidable, car à l’image de Cloverfield, la forme est en adéquation parfaite avec la ligne de force du fond, l’envie de faire toujours mieux.

“Is that better to be feared, or respected? I say, Is that too much to ask for both? demande Tony Stark pas encore Iron Man au début du film. Hollywood fait le constat d’un monde instable, où la realpolitik vit de belles heures.

Encore faut-il armer les gentils contre les méchants. Hors Tony Stark se rend compte qu’à l’intérieur de sa société (Stark Industries), ce n’est pas toujours le cas. Il décide donc, parce qu’il a aussi l’envie de créer la plus chouette armure qui soit depuis les chevaliers du Zodiac, de rétablir l’équilibre.

Tony Stark est un ingénieur brillant, un coureur, un Robert Downey Jr., un salaud très beau, égocentrique et sans famille et ça lui va très bien. En guise d’apport affectif, il a une assistante géniale (Gwyneth Platrow), qui lui est dévouée.

Sa supériorité n’est pas d’avoir besoin de personne. Elle consiste à faire mieux qu’avant. Comme le film, le « héros » pousse ses limites. Ses limites physiques (en testant tout sur lui), comme le film pousse les limites graphiques du genre (scène de chasse entre Iron Man et les deux chasseurs de l’armée américaine). Ses limites intellectuelles (comme le film aborde frontalement la question de l’utilisation des armes « conventionnelles » sur les populations civiles). Ses limites morales, il s’agit tout autant pour Tony Stark de réussir que pour Favreau de nous donner autre chose que ce qu’on avait vu jusqu’ici.

D’où des personnages ambigus : Le méchant, arriviste et violent certes, mais on est obligé de se souvenir qu’il s’est fait tout seul (lui) et a vécu sa vie dans l’ombre du génial ingénieur de bonne famille. Ce n’est pas un hasard si au tout début du film, il reçoit une distinction honorifique à la place du play boy trop occupé au Casino. Il y a des gens qui ont besoin de la reconnaissance des autres. J’aime assez l’idée que les choses ne sont pas simples. J’aime aussi le constat que le seul moteur attendu et prévisible c’est l’avidité, et que celle-ci est transnationale.

C’est donc un film furieusement honnête même si son propos est farfelu comme toutes les histoires de Comics. Car il dit que la prouesse est la conjonction de la volonté, de l’entêtement, et que le dépassement de soi, est avant tout un processus psychanalytique pathologique qui veut qu’une homme exige d’être meilleur que tout le monde et que lui-même.

J’ai toujours pensé que les Comics étaient des paraboles, plus ou moins hasardeuses. C’est un peu comme la bible, ça dépend de l’auteur, de la période et de la datation (lecture par rapport à tel ou tel événement) qu’on en fait.

Iron Man est une parabole irrévérencieuse, car écrasante de supériorité, de la domination américaine sur le monde, de l’instabilité de celle-ci aussi. Car L’Amérique comme Tony Stark vit avec ses contradictions parfois anciennes, et surtout, n’agit avec talent que lorsque son bien être est indissociable de celui du reste du monde, une nature universaliste autrefois prêtée par De Gaulle à la France.


Pour écouter la chanson des Black Sabbat Iron Man, qui s’intègre à merveille dans la BO :

http://www.deezer.com/#music/result/Iron%20Man

Mongol, de Sergeï Bodrov

Héros malgré lui. ++

Genghis Khan est à l’Asie de qu’Alexandre le Grand est à l’Europe. Un visionnaire pour les uns, un tyran pour les autres. Il est en tout cas un être d’exception qui eu l’idée d’unifier son peuple et de conquérir le monde, imposant une loi simple et un sévérité sanguinaire pour arriver à ses fins. On ballerai bien le débat d’un « autres temps autres mœurs », rappelant au passage que le reste du monde n’étais pas exempt de barbarie. C’est pourtant plus complexe que cela.
Car Genghis Khan est montré ici comme ce type remarquablement intelligent qui a compris la nature humaine et le fait que la loi ne s’impose pas par la force du discours.
Un thème qui revient souvent ces temps-ci (Iron man, 10 000, 300), décidement.

Le traitement de la vie de cet être adulé par les uns et hait par les autres pose un autre problème. Genghis Khan n’est pas qu’un chef de guerre, c’est une légende. Et il est bien difficile de se défaire des légendes. Bodrov fait ça plutôt bien en s’attardant sur l’enfance de Temujin (Genghis Khan petit), ballotté dès son plus jeunes âges dans les affres de la fragilité du pouvoir car la mort précoce de son père-chef de clan fait de lui un enfant puis un jeune homme à abattre.

Dans ces longues péripéties d’enfance dangereuse on voit bien la formation de l’homme, ce qui contribue à faire tomber la légende. La puissance volontairement donnée à la petite histoire (l’amour de Temujin pour sa promise puis épouse et leur motivation à venir se sauver l’un l’autre régulièrement) fait le même travail.

Et il me vient l’envie de citer l’accroche de l’affiche d’Iron Man « ce n’est pas l’armure qui fait le héros, mais l’homme qui est à l’intérieur ». On nous rabattu de parcours initiatiques, mais celui - ci l’est vraiment, car il est incertain, plein de ralentis et de plans séquences comme autant de moment de formation. Temujin, comme Alexandre, échappe à milles morts, et subit son héroïsme et son envie de vivre, conséquence de quoi il dirigera le monde qui ne tolère pas les demi mesures

Le propos de Bodrov, c’est l’histoire de l’homme qui a une vision. Non par parce que le héros hallucine parfois d’un loup. Mais parce que la seule valeur qui différencie son appréhension du monde est la hauteur et l’ampleur de sa vision. On le voit à travers sa stratégie militaire (trop rare mais étonnantes scènes de bataille façon Western), on le voit à travers les travellings sur les étendues parcourues (magnifique Mongolie filmée au Khazakstan et en Chine). « Un mongol vit à cheval » dit un enfant à Temujin. Temujin est le seul qui traverse la steppe à pied en courrant car il n’en à pas vraiment le choix. Du coup, il se fond dans les éléments, et finit par les maîtriser.

Je croyait le biopic linéaire définitivement condamné, mais Mongol s’en tire bien. Grâce au dépaysement absolu d’une part. Grâce à une foule de bonnes idées d’autre part, dans les batailles (double sabre), dans la manière de filmer (il impose des gros plans, casse le rythme volontairement pour forcer le spectateur à s’appesantir avec les protagonistes), et dans l’interprétation. Le souci du détail, des rapports humains évitent au film le travers du film spectacle attendu.
Je ne sais pas si c’est très moral cette apologie du destin comme un absolu, mais c’est efficace. A l'époque ou l'individu n'existe pas, c'est en tout cas défendable.