lundi 20 juillet 2009

Fausta, de Claudia Llosa.

Cancion a la tierra de uno +++

Fausta est l’un des films les plus déprimants de l’année. C’est aussi l’un des plus beaux.
C’est un film qui fonctionne à travers les âges, et qui raconte le viol perpétuel de la terre-mère-indigène sud américaine et le désarroi perpétuel de ses enfants.

Pour raconter tout ça, Claudia Llosa, dont on peine à croire que c'est son deuxième film tant son image est passionnante, nous raconte l'histoire d’une jeune péruvienne, Fausta, à la mort de sa mère.

L’histoire de Fausta et de sa mère c’est l’histoire de l’Amérique latine hispanique. C’est l’histoire du viol originel de la terre, sacrée, par des espagnols, puis par des terroristes, puis par producteurs de pavots avides qui dépeuplent les villages, par des mirages ensuite, celui de la ville où l’on s’entasse en rejouant une parodie de l’american way of life, celui des révolutions non accompagnées de la redistribution de la terre longtemps confisquées par les colons et les multinationales bananières.

La jeune fille souffre du viol de sa mère par des terroristes pendant la grossesse de la mère, traumatisme dont elle croit se souvenir. Elle craint à son tour le viol. Son seul recours est une croyance syncrétique en la terre de son village. Elle doit y coucher sa mère si elle veut que celle-ci s’apaise enfin. L'autre recours est une pomme de terre qu’elle place dans son vagin pour se prémunir d’être violée à son tour.

Fausta peut paraître inculte et réactionnaire. Elle refuse la modernité viciée des bidonvilles où vit sa famille. Point de normalité n’est possible quand le passé ne cesse d’être volé, violé, comme ce chant quechua que lui vole son employeuse, musicienne blanche en mal d’inspiration, qui lui nie son identité en oubliant sans cesse son nom.

Si le mal de Fausta ne s’apaise pas c’est que c’est toute l’identité indigène qui ne se remet pas de ses traumatismes. Fausta est la douleur de l’identité précolombienne, qui ne cesse d’être maltraitée et qui parfois finit par se detester. Pas même sa famille ne reconnaît sa douleur et son besoin d’enterrer sa mère où elle est née, et aucun travail de reconstruction n’est possible si les traumatismes et les souffrances ne sont reconnus et admis. Les indiens eux même creusent des piscines ou la veille ils creusaient des tombes, à même la terre.

Rares sont les films à transmettre une telle souffrance sans misérabilisme, on suit Fausta en plan serrés, et on s’accroche progressivement à sa peine et à ses quêtes improbables, on rase les murs avec elle car les indiens quechuas craignent de voir leur âme enlevée en pleine rue. Rares sont aussi les films aussi beaux, ou une jeune fille mâche une fleur, ou le salut viendra d’un jardinier, et où l’espoir est aussi humble qu’une fleur de pomme de terre. Un immense talent et quelques rares souffles de légèreté le rendent supportable.

3 commentaires:

Loïc a dit…

Ceci est sans doute la meilleure critique publiée sur ce blog.

Babs a dit…

c'est vraiment une très bonne critique.

RIPLEY a dit…

Merci (même si je préfère Cloverfield).