mercredi 30 juillet 2008

Les 7 jours, de Ronit et Shlomi Elkabetz

Une famille en or +++

Décidément le cinéma israélien n'en finit pas d'être bien cette année. Pas étonnant que ce soit un film écrit par un frère et une sœur, car avec les 7 jours, Ronit et Shlomi Elkabetz réveillent le démon de la famille, de la filiation, de la transmission de la tradition avec noirceur et justesse.

On l 'a déjà vu dans Un conte de Noël, la famille est un gouffre pour les individualités. Manque de pot, ils sont environ 9 frères et soeurs dans cette famille, avec des pièces rapportées en plus. La mort du frère aîné occasionne une veillée de 7 jours, conformément à la loi juive, occasion d'un huis clos cinglant. Les circonstances de la mort du frère et sa situation financière offrant de quoi cristalliser tous les non-dit.
Ce qui est remarquablement bien vu, c'est qu'un famille est un microcosme avec ses codes, ses habitudes, sa complicité, et son langage. Ici les plus anciens parlent arabe, et les plus jeunes moitié hébreu, moitié français, parfois Yiddish pour celui marié avec une ashkénaze. Malgré les nombreuses langues parlées, personne ne s'entend. Il est intéressant de noter que les langues ne s'attribuent pas à des contextes ou à des relations mais se mélangent. C'est bien ça le problème de la famille. Chacun a sa vision des choses, construite dans les victoires et les frustrations de l'enfance, des préférences des parents, des rapports entre frères et sœurs.
On peut rajouter ici le désenchantement, car le problème de l'évolution des rapports à l'âge adulte est aussi une perte de l'innocence douloureuse et répétitive.
Comme Desplechin, curieusement, dans cette famille ou l'on crie et ou on chuchote tout autant, les Elkabetz disent que le vrai soulagement ne vient pas du fait de crever les abcès, mais de les mettre en évidence. Accepter sa famille c'est dire qui est préféré, qui est un salaud, et savoir quelles sont les raisons des uns et des autres. Ce n'est pas résoudre des problème par nature insolubles. Se construire c'est admettre l'existence des douleurs causées par la tribu. Et les frères et sœurs, tous adultes, ont désespérément besoin de se construire comme le montre leur obsession pour le logement.
Un film noir et drôle, comme peut l'être la famille. Tourné avec un économie de moyens (3 pièces de la maison de défunt) mais plein de talent. Les plans séquences s'attardent sur les souffrances non-dites, l'interprétation est juste, et l'atmosphère étouffante du carcan familial est magistrale.
Dans le contexte de la première guerre d'Irak, où les israéliens vivent avec des masques à gaz, jusqu'au cimetière, les alertes aux Scuds rythment la guerre entre frères et sœurs, ex époux, rivales. Et donnent une forme de respiration au film.

Dans My Father, My lord, Volach mettait en scène la douleur de la perte d'un enfant, dans un monde très fermé, ultra orthodoxe, et tenait un propos universaliste. Ici encore, le propos microcosme familial peint les frustrations et les bonheurs de la fraternité avec une justesse qui dépasse sans conteste la peinture communautaire. Un beau film donc.

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