mercredi 4 juin 2008

Maradona, par Emir Kusturica

Du pain et des jeux - - -

Pour l’instant c’est de très loin le plus mauvais film de l’année.

Je plains ceux qui ont financé en payant leur place le délire mégalomane de Kusturica, qui se filme pendant 2 h 00 à rire aux blagues et à kiffer les accolades d’un dieu vivant qui est devenu grâce à ce film son pote : Diego Maradona.

Kusturica partage avec Maradona une mégalomanie sans borne (voir l’affiche), et il se rend hommage tout seul (on y pense pas assez à faire un film pour se rendre hommage à soi même) en ponctuant le documentaire d’extraits de ses films. Il partage aussi avec lui un manque d’esprit critique sans limite, car il n’y a pas d’interviews mais des monologues de Maradona, qui dit ce qu’il veut, sur la politique, la drogue, la mafia, se justifie de tout sans trouver aucune répartie et il faut lui pardonner car il est un Dieu vivant en Amérique latine.

« Aux Dieux on pardonne tout » assène Kusturica, c’est beau la rédemption quand même. Sauf que si l’Amérique Latine a encore des dieux, c’est parce qu’elle est pauvre et corrompue, mais le film s’échine à dire que c’est la faute des américains. Les copains de Maradona, les Chavez, les Castro, eux ils ont les mains blanches, le cœur pur, c'est Maradona qui le dit.

Kusturica reprend le but argentin contre l’Angleterre comme un leit motiv du film, sur fond de Sex Pistols, et le passe en boucle, comme si l’Argentine, par le foot, avait vaincu Thatcher, la reine Elisabeth, Blair et Bush. La victoire symbolique, illusoire et "divine" du sud contre le nord. On voit 6 à 10 fois un petit clip en illustrations animées qui met en scène le but (encore) avec Maradona contre les précédents nommés. Manu Chao chante une ode à Maradona qui arbore un T-shirt Bush-croix gammée, et avive avec populisme la haine de l’autre, l’occidental, le mafieux, l’Américain, l’Européen. Les bons contre les méchants, c’est le schéma le plus bête qu’il soit donné de voir qui est proposé ici. Kusturica-Riefenstahl (1 partout) s’esclaffe, il a fait son foot avec Maradona. Il montre le culte voué par les argentins au footballeur et cela doit justifier tout le reste. C’est incroyable à quel point le film de propagande est ici un genre maitrisé par Kusturica : quelques légères critiques pour donner de la crédibilité, martellement et accumulation des heures de gloires footbalistiques du sujet, l’homme et sa famille, aimant, latin, tactile (bref mafieux), rappel de l’ascendant qu’il a sur tous les footeux de la terre qu’il rencontre, bref le mythe est éternel.

L’Argentine n’est pas qu’un repère du cul-terreux illettrés portés aux nues par des footeux dégénérés avides de bimbos qui traitent les joueurs de pédés (c'est Maradona encore) quand ils ne jouent pas comme il faut.

La foi n’y joue certainement pas sur le terrain de la raison, comme le montrait le poétique « Camino de San Diego », ou un fan hystérique abandonnait femme et enfants pour aller soutenir son idole : Diego Maradona.

L’Argentine a une culture populaire belle, riche, tourmentée, de Mercedes Sosa à Ernesto Sabato, n’en déplaise à Kusturica et à Manu Chao, occidentaux inconsolables de leur naissance privilégiée. La haine de soi est dans limite, et les mythes, parfois, sont monstrueux.

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